p26
La voie vers des sociétés plus fluides dans leurs structures et leurs modes de fonctionnement a été ouverte par un profond changement de paradigme, influencé par des progrès scientifiques et techniques. L’approche analytique cartésienne s’est trouvée progressivement mise en cause par les résultats de travaux faisant appel à la transdisciplinarité, et ce dans domaines aussi distincts que la physique, la biologie, l’écologie ou l’économie. Des 1820, Vladimir Vernadsky propose le concept de biosphère – la « couche vivante » qui entoure la Terre comme une peau. Après la lithosphère(roches et minerais), l’hydrosphère (lacs, mers et océans), l’atmosphère (air et nuages), la biosphère regroupe et rapproche tout ce qui vit à la surface de la planète. Encore faillit-il relier entre eux ces différents domaines dans une dynamique équilibrée démontrant l’interdépendance de tous les animaux, végétaux ou éléments minéraux. La liaison entre les êtres vivants depuis leur origine a été décrite par le concept fondamental d’évolution biologique, issu des travaux de Darwin, et publié dans son célèbre ouvrage de 1850, L’Origine des espèce. Le terrain était préparé pour la grande synthèse offerte par l’écologie, un terme proposé par Haeckel en 1866.
Adam Smith en 1759, et par la suite Einstein, Freud ou encore Teilhard de Chardin, ont tous contribué, chacun dans sa discipline respective, à assouplir les contraintes de la représentation du monde. Ils ont ouvert une brèche en définissant les fondements d’un nouveau paradigme de la fluidité. L’évolution darwinienne démontre l’interdépendance entre les différentes espèces et leur environnement écologique. Adam Smith, inspiré par les physiocrates et leur vision de la nature, définit les bases de l’économie moderne et ouvre la voie à la relation entre écologie et économie. Travaux poursuivis plus tard par Herman Daly, qui intègre à leur théorie les données de la cybernétique. Enstein relie l’espace et le temps, la matière et l’énergie. Freud ébranle la conception que l’homme a de lui-même en mettant au jour les bases inconscientes du comportement et de la relation à l’autre. Teilhard de Chardin tente une synthèse entre le monde chimique, le mon de biologique, le monde anthropologique et la noosphère (la sphère de l’esprit). Il crée une continuité encore plus étendue que celle de Darwin grâce au concept d’évolution généralisée, de l’atome aux sociétés humaines. La découverte de la génétique et l’avènement de la biologie moléculaire, avec les travaux de Monod, Jacob et Lwoff, couronnés par le prix Nobel de médecine en 1968, démontrent les liens étroits entre atomes, molécules, macro-molécules, cellules, organes et organismes vivants. A un niveau supérieur de complexité, l’intégration des différents éléments qui agissent dans l’évolution de la planète se concrétise par le concept de Gaïa, proposé par James Lovelock en 1970. La planète apparaît ainsi comme un système complexe d’interdépendances, d’interrelations et de rétroactions, agissant entre les espèces vivantes et le monde minéral, régulant la température moyenne du globe ou la salinité des océans, déterminant l’apparition ou la disparition des espèces.
Cette évolution s’accélère depuis une cinquantaine d’années grâce à une fusion plus étroite encore entre biologie, écologie et économie. Ce sont la théorie générale des systèmes, proposée par Ludwig von Bertalanffy, la théorie du chaos et la vision fractale de la nature, que l’on doit à des mathématiciens comme Benoît Mandelbrot, les lois d’échelle, la bio-économie, l’économie ou encore la dynamique des réseaux.
p30 Nous sommes formés très jeunes à la concurrence, ce qui conduit fréquemment à accroître les tensions dans les rapports humains. Les attitude de conciliation, de compromis, d’indulgence sont souvent considérées comme autant de manifestations de faiblesse ou de soumission. Jusqu’à présent, notre société fondée sur des valeurs de réputation plutôt masculine, semblait avoir délaissé les valeurs dites féminines – la sensibilité ou la capacité empathique.
p44 principe d’attrition : affirmation du risque calculé
Taux d’attrition. L’attrition, c’est le taux acceptable de pertes…
p49 Appliquer le principe d’attrition, c’est accepter le risque que les avions puissent voler, et donc que certains puissent être perdus. Un choix qui se justifie par la reconnaissance de la réalité naturelle de l’imperfection des choses et/ou de l’impossibilité naturelle de maîtriser le hasard. La vie, en somme… Cette prise de conscience, cette acceptation de l’imprévisible (ou de l’imprédictible), libérerait la société d’une anxiété aussi prégnante qu’irrationnelle. Elle permettrait aussi d’évoluer vers une société ouverte, moins égoïste, plus altruiste, plus emphatique et plus solidaire. En définitive plus fluide.
p59 De très nombreux surfeurs exerçant par ailleurs des activités professionnelles ou artistiques ont avoué que leurs meilleures idées avaient pris naissance au milieu des vagues et en harmonie avec la nature – les nouveaux projets, l’établissement de réseaux de collaboration, en un mot l’inspiration. Plus encore, chacun d’eux participe à sa manière à quelque chose qui le dépasse, dans un milieu qui rapproche de l’écosystème naturel.
p69 Les surfeurs se sentent proches de la nature. Ils utilisent la force et l’énergie de l’océan et puisent leurs ressources physiques et mentales dans la qualité du milieu dans lequel ils vivent en symbiose : eau pure, vagues cristallines, sable blanc, dunes sauvages, végétation naturelle sont les éléments essentiels qui les motivent et stimulent leurs efforts. On a vu les effets sur la création scientifique et l’innovation, d’être immergé dans un milieu avec lequel on a plaisir à faire corps.
p71 Pour surfer sa vie, il faut savoir se créer des instants d’une riche intensité. L’éternité peut se loger dans l’intensité de l’instant et pas seulement dans le prolongement infini d’un plaisir interminable. Jouir de moments de grande intensité émotionnelle ou intellectuelle, reliés les uns aux autres pour créer une mémoire, et savoir varier ses créations, comme l’artiste peintre ou le musicien qui, à peine leur oeuvre terminée, pensent à la prochaine. Comme dans la vie. Il faut « ramer » pour réussir.
p80 Créer du lien, c’est produire du sens, pour sa vie et pour celle des autres. Comme le remarque avec pertinence Thierry Janssen : « Pour donner du sens à sa vie, il faut créer du lien avec les autres. » Au lieu de la seule utilisation de techniques numériques et virtuelles qui peuvent conduire à l’isolement devant des écrans, les jeunes doivent retrouver la relation réelle, physique, biologique, à l’autre et les valeurs qui s’y attachent.
NetGen & NetKids p83
Le jeunes de la NetGen détestent devoir attendre pour acquérir le droit de participer à la vie de la société. Ils n’aiment pas la façon dont l’Autorité impose de prendre des précautions. (…) Ce pouvoir de rébellion leur paraît indispensable pour se préserver de l’Autorité. (…) Ils reprochent au monde de l’entreprise de brider leur liberté individuelle. De même, ils éprouvent dans l’exercice de leurs fonctions un sentiment de solitude, voire d’inutilité, ou une impression de passivité face aux actions essentielles qu’ils pourraient entreprendre.
Pour toutes ces raisons, intégrer une entreprise représente souvent un choc pour les NetKids. Ils y découvrent des notions également absentes sur Internet. Au lieu du partage, de la solidarité, de la comparaison des informations, ils sont confrontés à la hiérarchie, avec les « petits chefs » qui cherchent à leur imposer une autorité qu’ils ne perçoivent pas comme légitime. Trop de contrôle, trop de rapports pour justifier ses actes, trop d’horaires imposés, sans compter l’interdiction de résoudre des problèmes complexes à plusieurs, comme ils sont habitués à le faire sur les réseaux sociaux, les décisions arbitraires et une certaine forme d’humiliation publique lorsque les tâches n’ont pas été accomplies selon les règles.
En 2016, les NetKids représenteront 30% des consommateurs, 95% des nouveaux embauchés et 95% des nouveaux écoliers, et les plus âgés d’entre eux auront 30 ans. Il est plus qu’indispensable pour les entreprises de se préparer à leur entrée massive sur le marché du travail, en prévoyant des stages, en assurant la souplesse des profils de poste, en favorisant l’excellence des outils numériques et en autorisant l’usage de ceux auxquels la NetGen est habituée. Elles devront aussi favoriser le travail des jeunes en groupe en encourageant les compétences multiples et complémentaires ; s’efforcer d’améliorer l’atmosphère de travail, le respect de la personne, l’empathie, la variété et la diversité des tâches, la réduction des niveaux hiérarchiques et la participation aux décisions qui concernent l’activité en cours ; créer des réservoirs d’idées (think tank) ; récompenser les intra-preneurs et adapter en permanence la formation aux nouveaux métiers, tels le management par projet, et aux évolutions de l’environnement de entreprise.
p86 Les « empty heads » parce que d’après Derrick de Kerckhove, « ils ont externalisé leurs processus cognitifs ». Ils recherchent toujours une information sur Google plutôt que dans les livres, et font encore plus rarement appel à leur mémoire. (…) Ils favorisent l’émergence d’une intelligence collective domptons ignorons l’ampleur.
p89 La co-éducation intergénérationnelle : enjeu du troisième millénaire ?
p98 « Par téléphone cellulaire, ils accèdent à toutes personnes ; par GPS en tous lieux ; par la toile, à tout le savoir ; ils hantent donc un espace topologique de voisinages, alors que nous habitions un espace métrique, référé par les distances. »
p102 Dans cette société, une forme de démocratie participative peut naître de trois révolutions majeures, à peine entamées en 2012 : le mouvement mondial des Makers ; le mariage du numérique et de l’énergétique avec les smart grids (réseaux intelligents de transport de l’électricité) ; les réseaux sans fil auto-organisés (mes networks).
p108 De nombreux espaces dévolus aux travaux des mares/ doueurs existent dans le monde. Par exemple, le Tinkering Studio à San Francisco. Le mot Tinkering (« bricolage ») est important car il renvoie à un aspect fondamental de l’évolution biologique, par réutilisation d’innovations résultant de mutations aléatoires et de la sélection naturelle. Le biologiste François Jacob, prix Nobel, a d’ailleurs utilisé le terme de bricolage pour décrire les principes de base de l’évolution darwinienne à partir de la réaffectation des éléments utilisés dans une espèce et transposés dans une autre. (…)
Des ateliers communautaires de microfabrication personnalisée, se sont développés partout dans le monde. Ainsi les FabLabs, initialement lancés par Neil Gershenfeld, du MIT. (…) Existent également de nombreux studios et ateliers de hackers, tel le Hacker Space de San Francisco, appelé NoiseBridge, ou TechShop (…) Certaines organisations font même référence à la notion de « flux » artistiques et musicaux. Ainsi la Flux Foundation, pour laquelle il faut mettre de l’art dans la science et de la science dans l’art. D’où de nombreux projets pratiques, originaux et au design recherché. Ces différents maker spaces, ou espaces de joueurs, sont de véritables micro-usines personnalisées, des MUPs.
p110 Au lieu du secret industriel, du cloisonnement, des rapports de pouvoir et des rapports de force, tout dans ces ateliers est ouvert, convivial, accueillant pour les nouvelles idées, aussitôt diffusées, partagées, testées. On applique les principes de la démonstration de faisabilité (proof of the concept), du tâtonnement par essais et erreurs (trial and error). Expérimentation, évaluation et convolution sont les mots clés de cette quête de l’innovation et du respect des idées des autres.
p114 Polémiquer sur l’avenir énergétique de la France en opposant le nucléaire aux énergies renouvelables est une démarche stérile et désormais inadaptée. Les deux options peuvent être complémentaires, mais sur une période de 20 à 30 ans, car tout dépendra de la transition souple du Mox vers le MIX, le combustible des dé-centrales éco-énergétiques. (…) Le MIX est l’ensemble interconnecté des énergies renouvelables directes et des sources d’énergie indirectes, incluant les économies d’énergie, l’efficacité énergétique et les moyens de stockage.
Un internet de l’énergie : la Smart Grille.
p121 Un modèle de réseau intelligent de production et de régulation de l’énergie nous est offert depuis des millions d’années par la bioénergétique. Les plantes, les animaux, de même que les êtres humains, produisent et consomment leur énergie à partir de la photosynthèse et de la respiration selon des processus complémentaires, le premier à partir de l’énergie solaire captée par la chlorophylle des feuilles et transformée en aliments énergétiques, le second à partir de la combustion de ces produits dans les mitochondries, ces minuscules chaudières qui existent dans toutes les cellules. Cette énergie produite sous forme d’ATP (Adénosine TriPhosphate) est le combustible universel des êtres vivants. L’analogie avec la Smart Grid est tentante : le corps adapte en permanence la production et le stockage de l’énergie à son niveau d’activité. Il produit l’ATP selon ses besoins et met en réserve l’énergie non utilisée sous forme de glycogène dans le foie ou sous forme de lipides (graisses). Grâce à des molécules comme l’insuline, la régulation de l’utilisation de l’énergie et sa mise en réserve se font automatiquement.
p148 Vers le web symbiotique : une « toile” biologique et symbiotique
On comprend bien l’immense avantage du web symbiotique dans le cadre d’une société fluide reliant des individus à travers des réseaux de plus en plus denses. Ces réseaux leur permettent à la fois de communiquer et d’agir sur leur environnement devenu sensoriel, c’est-à-dire capable lui-même de se réguler, de s’adapter, de se contrôler, de s’informer, en fonction des variabilités extrêmes qu’il est amené à connaître. Cela représente évidemment l’aspect positif de cette évolution. Le revers de la médaille est plus inquiétant. L’extraction possible d’informations sur toutes les actions individuelles, leur localisation, leur objectif et leur résultat, fait entrevoir le risque d’une société qui ne serait plus « fluide », mais fondée sur des rapports contraints et rigides, contrôlés par quelques-uns. En même temps, le Web symbiotique ouvre la voie à une manière de surfer la vie sans contrainte physique, sans contact réel avec son environnement et ne temps réel. Une sorte de dédoublement de la personnalité, de délocalisation du corps, de téléprésence, assurant une grande légèreté par rapport au mon de matériel et catalysant la possibilité d’une convergence des esprits, comme le pressentait Teilhard de Chardin dans la noosphère. Fiction ou réalité, l’avenir nous le dira.
p160 Ces garde-fous de l’ordre moral et de l’ordre social (le chef de l’Etat, le prêtre, le père, le professeur, le juge, le général, le « flic », le patron ou le médecin de famille) étaient acceptés par les anciennes générations au même titre que les institutions qu’ils représentaient. Ni les uns ni les autres n’étaient discutés : on en respectait les impératifs et on s’en remettait à leur autorité. Aujourd’hui, on remet en cause la légitimité du pouvoir et les conditions de son application. On oppose à l’exercice direct du pouvoir l’action par influence, la motivation et l’intelligence collective. Ce que revendiquent et réclament les Indignés du monde entier, c’est une transition vers une forme de démocratie corégulée par les citoyens. L’influence, la motivation et l’intelligence collective impliquent la liberté de choix plutôt que la contrainte, tandis que l’exercice direct du pouvoir doit s’appuyer sur la force physique, la contrainte juridique, économique, psychologique ou morale. Sa légitimité repose sur la puissance que confère la possession d’un « capital politique » ou le contrôle d’un capital énergétique ou financier. L’influence, elle, catalysée par les médias et les réseaux numériques, s’appuie sur la force des idées et de l’exemple. Elle peut impliquer l’accès à un « capital-savoir » partagé dans les réseaux.
Le pouvoir pyramidal conduit à agir sur les structures pour modifier la société. Le pouvoir en réseaux cherche à modifier les esprits pour changer les structures. C’est pourquoi la génération internet, formée aux échanges en réseaux, s’élève contre toute forme d’abus de pouvoir. Pour tenter de le contourner, elle cherche à opposer à la hiérarchie institutionnelle et à la centralisation des pouvoirs la mise en oeuvre permanente d’une hiérarchie fondée sur les compétences et a décentralisation des responsabilités. La pyramide traditionnelle de l’autorité, de la discipline et de la domination se transforme en une organisation plus « horizontale », plus fluide, ressemblant à celle d’un organisme vivant. Dans ce type d’organisation, la puissance, l’élitisme, les rapports de force sont remplacés par le rayonnement, la participation, la motivation intérieure, les relations d’association, la complémentarité, les rapports de flux.
p164 Relations, interdépendances et équilibres des grands cycles de la nature (cycles du carbone, de l’oxygène, de l’eau, photosynthèse et respiration…) sont fondés sur le pluralisme, la diversité et la causalité mutuelle. Il n’y existe pas de logique d’exclusion, mais au contraire une logique d’association et de complémentarité qui peut conduire à l’émergence de valeurs associatives débouchant sur la tolérance, l’empathie, le respect des idées et des cultures.
Comment se fait-il que nous n’ayons pas réussi à intégrer, dans notre vision des sociétés modernes et dans nos modes d’action, ces valeurs et ces approches issues des évolutions les plus marquantes des sciences de la complexité ? (…) Ce sont les liens physiques, chimiques, biologiques qui tissent l’étoffe de l’univers et les liens humains qui donnent du sens à la vie. Or on forme des élites dans des grandes écoles techniques ou d’administration pour produire des objets matériels ou pour administrer des personnes conçues comme des objets destinés à se fondre dans de grandes organisations. Ni les mathématiques, ni le droit ne suffisent aujourd’hui pour manager sur le long terme la complexité des villes, des sociétés, sans parler de celle du monde. La critique fondamentale de la raison, de la logique d’exclusion et des pouvoirs qui y sont attachés se porte aujourd’hui, de manière diffuse, sur le progrès technique, sur les finalités de la recherche ou de la croissance? D’où cette attitude extrême, antiscience, anti technologie, antirationnelle, que l’on rencontre sur tant de campus universitaires.
p174 Comme le dit clairement Luc de Brabandère : « Si nous voulons permettre aux jeunes d’être créatifs dans le monde de demain et de résoudre des problèmes « nouveaux », il ne faut pas les enfermer dans un savoir qui ne sera plus jamais exhaustif et qui risque de les engloutir : l’ignorance, tout autant que la connaissance, peut être une voie d’accès à la pensée créative. Il faut développer chez les étudiants la pensée transversale, celle qui jette des passerelles entre les matières et les spécialités, établit des liens entre les notions, les concepts, les cultures. Il faut entretenir le feu de leur curiosité en les invitant sans cesse à l’étonnement, au questionnement. » Ce qui compte désormais, ce sont moins les diplômes que les connaissances au sens large, y compris la sensibilité, la créativité, l’imagination.
p182 J’ai tenté de sélectionner ces principes d’humanité tels qu’ils ont été décrits par les grands philosophes et mis en pratique par les cinq grandes religions. Il n’est pas interdit de penser que leur application par de hauts dirigeants politiques et industriels ouvrirait des voies nouvelles pour affronter et surmonter la crise qui frappe le monde.
Voici mes sept règles et concepts pour surfer harmonieusement et intelligemment la vie : le respect de la diversité ; le respect de l’autre ; l’altruisme ; l’empathie ; la responsabilité individuelle et collective ; la fraternité ; la spiritualité laïque.
p190 Patrick Viveret
Il nous faut nous « désintoxiquer de nos peurs qui conduisent à l’enfermement identitaire, de cette dépression qui compense de plus en plus mal l’excitation maladive du désir de possession ou de consommation. »
« Il est essentiel de montrer qu’il est possible de vivre intensément ce voyage de vie conscient dans l’univers qu’est l’humanité, et que cette intensité peut être liée la paix avec hauturier avec soi-même, c’est à dire à de la sérénité. »
Il nous appartient « d’inventer une autre vision du politique, pleinement écologique, citoyenne et planétaire, qui placerait le désir de l’humanité au coeur de sa perspective. »
p194 Les principes du donnant-donnant (tit for tat) d’Axelrod sont à la base des échanges emphatiques permettant de surfer la vie de concert avec les autres. Il recommande par exemple de ne pas être jaloux de la réussite de l’autre ; de ne pas être le premier à faire cavalier seul ; de pratiquer la réciprocité dans tous les cas ; de ne pas se montrer trop malin ; d’enseigner aux gens à se soucier les uns des autres ; d’éviter de se montrer susceptible si l’autre fait cavalier seul de manière injustifiée ; de faire preuve d’indulgence (de bienveillance) après avoir riposté à une provocation ; d’avoir un comportement transparent pour que l’autre joueur puisse s’adapter à votre mode avion ; d’enseigner la réciprocité (donner de la valeur à l’altruisme) ; d’améliorer les capacités de reconnaissances (la stratégie et le « profil » de l’autre) ; de savoir reconnaître la coopération et la réciprocité ; enfin de se montrer soucieux de ses actes dans le futur. Tous ces principes sont liés à l’altruisme, une doctrine éthique qui prescrit d’agir (ou de s’abstenir d’agir) de manière à maximiser le bien-être du plus grand nombre d’êtres sensibles.
p204 Interview de Frans de Waal par Daniele Boone (http://www.daniele-boone.com/lage-de-lempathie-par-frans-de-waal/)
« La relecture du monde par Frans de Waal est passionnante. Il adhère totalement à notre devise, Liberté, Égalité, Fraternité. Les Américains ont développé démesurément la liberté, et ça ne marche pas. Les Européens, l’égalité mais cela ne marche pas non plus. Et tout le monde a oublié la fraternité. Il serait temps d’en faire une devise universelle en prenant bien soin d’équilibrer les trois composantes. Nous serions alors dans cet âge de l’empathie que Frans de Waal appelle avec beaucoup sincérité. Il y va sans doute de la survie de notre espèce. »
p205 Nous vivons une « gouvernance par la peur », c’est dire dans laquelle la peur de dangers extérieurs – qu’ils soient climatiques, épidémiques ou politiques – est utilisée par les dirigeants politiques pour rassembler les citoyens tout en évitant d’avoir à définir des valeurs communes sur lesquelles construire l’avenir.
p226 Sur Hessel, Morin et leurs écrits, tout a déjà été dit. Si je ne devais retenir que deux phrases dans l’esprit de ce livre, ce seraient les suivantes, car leurs propos, comme celui d’Habermas, est de « dénoncer le cours pervers d’une politique aveugle qui conduit au désastre, d’énoncer une voie politique de salut public et d’annoncer une nouvelle espérance ». Ils appellent à une insurrection des consciences : « Nous souhaitons contribuer à la formation d’un puissant mouvement citoyen, d’une insurrection des consciences qui puisse engendrer une politique à la hauteur de ces exigences » – en fait l’émergence de pouvoirs transversaux dans cette nouvelle forme de société que j’appelle fluide.
“Tout ce qui monte converge” Teilhard de Chardin