27 février 2023, il a neigé sur Courmettes

Il a neigé sur Courmettes. Toute la moitié supérieure de l’imposante montagne est blanche. Ses 1230 mètres d’altitude ne voient en moyenne la neige qu’une fois dans l’année, quand, très exceptionnellement les conditions de température et de précipitation sont réunies.C’est aujourd’hui, et généralement, je ne manque pas l’occasion d’aller fouler la terre blanchie de mon espace de nature préféré à moins d’1h de chez moi. Le soleil naissant vient éclairer par endroit la nature sur la scène matinale de ce 27 février 2023. Ce sont les arbres, en second plan, qui sont actuellement sous la lumière enveloppante et chaleureuse des spots solaires. 14 ans déjà. « Je ne ferai pas comme les autres, je parviendrai à arrêter le temps, j’en profiterai pleinement. » Et comme tous les parents, j’en arrive au même constat navrant et cliché, « c’est passé si vite, je n’ai pas vu le temps passer. » Maya Charlotte Marie Hennion voyait le jour, un peu en avance sur le soleil, à l’heure des étoiles, à l’hôpital de Grasse, tout aussi naturellement, plus rapidement et un peu moins jaune que son frère. Brune de peau et de cheveux, d’une morphologie qui renvoyait la densité et l’ancrage, telle une enfant d’un peuple premier. Une de ses « marraines des bois » la surnommerait d’ailleurs un peu plus tard « Mowgli ».
Posée sur mon ventre à la naissance, elle était rapidement parvenue jusqu’à mon sein pour venir téter. Une force de vie brute, une énergie primitive présente depuis la nuit des temps, depuis que la vie existe sur notre planète, si simplement sur ma peau, dans ce petit être déjà prêt pour le combat de la vie. Quelle émotion indescriptible de toucher du doigt cette pulsion de vie, transmise de génération en génération, de femme à enfant, comme un cri qui viendrait du fond des âges. Ces moments de tétée chéris à l’époque par son frère, seraient pour Maya un moyen de s’alimenter, et l’efficacité serait de rigueur. A 8 mois, c’est elle qui mettrait fin à ce rituel merveilleux, qui prolonge le lien de chair et de liquide nourricier qui unit la mère et l’enfant pendant toute la grossesse. Maya est née avec une bonne paire de ciseaux. C’est elle qui couperait à chaque fois le cordon ombilical, sans montrer aucune émotion, avec la même évidence que les gestes du corps qui l’avaient emmenée jusqu’au lait maternel quelques minutes après être née. Maya a décidé sa conception (ce n’était pas une option), elle est née avec force, elle a stoppé l’allaitement sans une once de regret, elle consacre aujourd’hui son temps, autant que faire se peut, à sa chambre, à ses amies et à son copain. Nous sommes là pour l’accompagner, comme à distance, sur le chemin, non tracé, qu’elle prend avec détermination.
Chez Maya tout est hyper. Les réaction notamment. Quand elle était petite et qu’elle tombait, elle hurlait, quelques minutes seulement, mais de façon tonitruante. Hyperkinestésique. Elle a passé un hiver avec les pieds nus dans ses bottes. Impossible de lui faire mettre des chaussettes, et encore moins des collants. Elle ne supportait pas les frottements des pantalons. Elle était bien l’été, toute nue, comme à Eourres, terre alternative où les libertés de gestes et de vie sont bienvenues.Susceptible, difficile de lui faire une remarque, de lui suggérer un comportement ou même de lui donner un conseil.
Et tout en même temps, à l’intérieur, bien à l’abri sous cette carapace solide, bat un gros coeur, sensible et empatique, auquel nous n’avons que rarement accès. Mais les parents savent et aiment, de façon inconditionnelle, et laissent l’adolescence se faire.