Imbiber mes racines de la puissance du sol breton

Octobre 2022, j’arrive à Rennes pour 2 jours de colloque sur le coaching. Nous sommes tout un groupe de coachs internes qui nous retrouvons là. Ville très agréable, quasiment médiévale par passages, avec ses pavés et ses colombages colorés.
Tout a très bien commencé, avec une rencontre surprenante et pleine pendant la deuxième partie du voyage. Echanges passionnants, sensibilité débridée et élégance des mots et du rythme des phrases.
A peine arrivée sur ce sol pourtant peu connu, je me sens chez moi, comme si toute l’eau de mon corps, à l’intérieur de chacune de mes cellules, se posait, se déposait, rentrait enfin

Les conférences et intervenants présentés lors de ce colloque, plutôt décevants, n’enlèvent rien à l’attrait de ce séjour. Il me permet de rencontrer un peu plus cette équipe vraiment attachante de coachs internes, de me laisser porter par les propositions de chacun, librement.
Je contacte pleinement, dans cette ville de Rennes, la liberté d’aller et venir, de rentrer et de sortir, de marcher sous la pluie, après un partage réjouissant au Bacchus, de partager un whisky tourbé dans un pub irlandais, fort nombreux dans la ville !
Que c’est énergisant de se laisser porter par ses élans.

L’escapade continue avec le bel endroit de la Rochevilaine, construit de toutes pièces avec de vieilles pierre, tout contre l’océan, là où la Vilaine vient s’abandonner à plus grand. Vivifiant !

Puis Rochefort en Terre. Et tout en écrivant, je me rends compte que ce ne sont que des noms enrochés. Et c’est avec cette énergie que je reviens, énergie de la roche, des mégalithes, du granite. Comme si mes racines étaient plongées dans cette terre salée, des landes profondes de St Just et d’ailleurs, avec l’énergie de la pierre, du granite, marbré de quartz ou de mica.

Je reviens avec l’énergie retrouvée de ma jeunesse. Je la sens circuler intensément. Elle me réveille la nuit, me pousse à écrire, à partager. Elle m’emmène à nouveau, à partir, aller découvrir et m’ouvrir.
Je vibre à nouveau.

Revenir à la grange et vibrer

C’est un peu comme si la période était à la clôture, comme si je repassais par certains endroits, avec plus de recul, moins impliquée, ou plutôt, plus détachée, pour fermer proprement ce qui était resté ouvert et écrire une nouvelle page, tantôt au même endroit, tantôt avec les mêmes personnes, tantôt dans des circonstances similaires, différemment.
Comme si la vie proposait de passer au même endroit pour que nous prenions conscience du chemin parcouru, de la maturité acquise, des rides creusées et de la sagesse tranquille qui les accompagne.

Il était une fois une grange aux contes, perdue au milieu de la forêt. On ne pouvait y accéder qu’à pieds, par un chemin dont on sentait à chaque fois, le rapide potentiel à disparaître sous les ronces. Après une descente en boucle, la grange apparaissait, sereine et magnifiée, au centre de son champ. Et il n’aurait pas été surprenant d’en voir sortir Blanche-neige ou un des sept nains.

L’intérieur était tout en bois et en pierre, chaleureux et accueillant.

Entendez-vous ce bruit très présent ? Un bruit d’eau. En continuant notre descente, en contrebas de la grange, apparaissait le torrent, puissant, transparent, vivant, brut. La Gordolasque, torrent mythique de l’arrière pays niçois, ouvert sur une nature sauvage et pleinement préservée.

Dire aurevoir

Une ritournelle dans ma tête, alors que je m’apprête à écrire quelques mots, à la mémoire d’une rencontre, à la mémoire d’une période de vie fertile.
Une chanson de Jacques Brel, reprise de façon émouvante par Siobhan Wilson.
Voir un ami pleurer
Pleurer un ami
Qui est parti.

C’était il y a une semaine, j’arrivais aux Damias pour continuer ma formation Constellations familiales et Rituels.
J’avais juste le temps d’aller au village de Eourres (3/4 d’h à pieds), et de revenir, avant la nuit noire, pour, une fois encore, après plusieurs années d’interruption, cheminer jusqu’à Jorge, une dernière fois, pour aller le saluer.

C’est un chemin que j’ai longuement parcouru, dans un sens et dans l’autre. Du village jusqu’aux Damias, lorsque je logeais dans la maison bleue et que je participais à un stage avec Eric Laudière. Des Damias jusqu’au village lorsque je logeais sur le lieu du stage et que je me rendais au village.

C’était il y a un peu plus d’une dizaine d’années.
Je découvrais les constellations familiales, je rencontrais Eric, puis je plongeais, comme un retour à la maison dans l’univers du chamanisme, notamment dans la rencontre avec Ea et lors d’un voyage au Mexique organisé par Eric. C’était une période d’une richesse et d’une fertilité inégalées. Je découvrais des mondes et des modes de vie alternatifs, je découvrais le village de Eourres, ses habitants et son quotidien.
C’est ainsi que je fis la rencontre de Jorge Milchberg, joueur de charango célèbre et surtout tellement touchant.
Je narrais tout cela en 2014 :

Jorge est décédé en août (2022). Il est aujourd’hui au cimetière du père Lachaise.
Et je crois que le plus bel hommage que je pouvais lui rendre, la plus grande joie que je pouvais lui faire, c’était me rendre à la Mandorle, sa maison de Eourres, en pensant à nos échanges, tout en musique et en finesse.


Alors je suis partie de mon hogan, j’ai traversé le petit cours d’eau que j’affectionne tant et j’ai pris le chemin caillouteux qui mène au village.
Les souvenirs et les larmes sont lentement remontés, tandis que je cueillais un bouquet, de cette époque quasiment oubliée, qui ne demandait qu’à être ravivée.
Tant et tant de nouvelles manières d’appréhender la vie pour cette quarantenaire que j’étais, tant et tant de nouvelles approches à envisager, à expérimenter… de rires et de joies, de folies et de vie.
Avec ma maturité d’aujourd’hui, plus ancrée et plus mesurée, je renoue, non sans une certaine nostalgie, avec cette époque insouciante et ouverte sur tous les possibles.

Je suis arrivée, juste au pied de l’église de Eourres, à la Mandorle. C’est un village dans lequel on ne ferme pas sa porte à clé, c’est un village dans lequel les volets restent ouverts… et à la Mandorle, je ne m’y attendais pas, tout était intact. Je n’ai pas osé, pas eu le courage d’essayer d’ouvrir la porte. J’ai simplement regardé à l’intérieur.
Le piano… sur lequel je l’ai écouté jouer, narrant l’histoire du morceau, emmenant son auditeur loin de la réalité, dans un monde parallèle, dont lui seul avait le secret et la clé…
La pièce un peu sombre, avec ses parures en bois sur mesure, chaque objet aimé par Jorge au fil des années.
Puis j’ai fait le tour du jardin, suis passée devant le « sous-marin », suis descendue jusqu’en bas, me remémorant comment, de chaque pierre, chaque recoin, il faisait une merveille, des larmes plein les yeux.

J’ai posé mon bouquet, contre la fenêtre, prêt du petit oiseau, qui ne cessera jamais de chanter.

Et je suis montée jusqu’au point culminant du village, à la croix, où le soleil brillait de ses plus beaux rayons, orangés et enveloppants, pour que le lieu et la mémoire demeurent, à tout jamais.

Et enfin, je suis rentrée par la Sapie, par les bois, jusqu’à mon hogan, pour entamer, le lendemain une quête de vision, en lien.