Les fêtes chrétiennes et la respiration de la terre Rudolf Steiner

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Nous allons aujourd’hui considérer ce cycle de la Terre comme une sorte de grande respiration qu’elle accomplit en une année face à son environnement cosmique. (…) Certes, ce n’est pas ici l’air qui est inspiré et expiré par la Terre, mais ce sont les forces à l’oeuvre par exemple dans la croissance du végétal, les forces qui au printemps font sortir les plantes de Terre, qui à l’automne se retirent à nouveau dans la Terre, qui font se faner les parties vertes des végétaux pour finalement stopper la croissance végétale. Ce n’est donc pas, je le répète, d’une respiration aérienne qu’il s’agit, mais de forces alternativement inspirées et expirées dont on peut se faire une représentation partielle si l’on considère la vie de la plante au cours d’une année.
Considérons d’abord le moment où la Terre se trouve, comme nous le disons, au solstice d’hiver, le dernier tiers du mois de décembre selon la division actuelle de l’année. Nous devons dans cette période, s’agissant de ce processus respiratoire, regarder la Terre comme nous regardons l’être humain lorsqu’il a inspiré l’air dans ses poumons, lorsqu’il a l’air en lui et qu’il élabore, lorsque par conséquent, il retient son souffle. La Terre a alors en elle-même les forces à propos desquelles j’emploie les termes d’inspiration et d’expiration. Elle les retient ces forces fin décembre. (…)
On peut dire qu’à ce moment de l’année la Terre retient son âme. Elle a entièrement aspiré son âme de la Terre. Fin décembre, elle retient toute son âme en elle-même. Elle l’a entièrement aspirée, de même que l’être humain, quand il a inspiré, retient l’air dans ses poumons. C’est le temps où l’on place à bon droit la naissance de Jésus, parce qu’alors la Terre est en quelque sorte en possession dans ses profondeurs de la plénitude de ses forces d’âme. En naissant à ce moment, Jésus naît d’une force terrestre qui porte en elle tout ce qui est l’âme de la Terre.

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A l’époque du Mystère du Golgotha, les initiés qui étaient encore, dirais-je, dignes de l’ancienne initiation, ont eu la compréhension profonde du lien qui unit la naissance de Jésus à ce moment où la Terre inspire, retient son souffle.
Ces initiés se sont exprimés à peu prés de la façon suivante : lorsque, dans les temps anciens où nos centres initiatiques se trouvaient au sein de la civilisation chaldéenne, au sein de la civilisation égyptienne, on voulait savoir, parlant de l’entité qui représente le sublime Etre solaire, ce que cet Etre solaire avait à dire aux hommes sur terre, on se faisait du langage de cet Etre sublime l’idée suivante : on n’observait pas directement la lumière solaire dans sa nature spirituelle, on l’observait telle quelle est réfléchie par la Lune. Levant les yeux vers la Lune, on voyait à l’aide du regard de l’ancienne clairvoyance, lorsque les flots de la lumière lunaire arrivaient, l’esprit de l’univers se révéler. Et le sens de cette révélation apparaissait sous une forme plutôt extérieure lorsqu’on
observait les configurations de la Lune et des étoiles fixes et les planètes.
C’est ainsi que dans les Mystères chaldéens, et spécialement dans les Mystères égyptiens, on observait de nuit la position des étoiles, notamment par rapport aux flots de la lumière lunaire. De même que les caractères inscrits sur le papier nous servent à comprendre ce que nous lisons, de même on regardait les positions respectives du Bélier et du Taureau par rapport à la lumière lunaire, et aussi celle de Vénus, celle du Soleil, etc. Et dans les relations des constellations et des étoiles entre elles, en particulier dans l’orientation que leur donnait la lumière de la Lune, on lisait ce que le ciel avait à dire à la Terre. On formulait cela avec des mots, et les anciens initiés cherchaient le sens de ce qui était ainsi formule. Ils cherchaient ce que l’être qu’on appela plus tard le Christ avait à dire à l’homme terrestre. Que pouvaient dire à la Terre les étoiles dans leur relation avec la Lune ? — c’était vers cela que ces anciens initiés portaient le regard.
Mais aux approches du Mystère du Golgotha, tous les Mystères furent le théâtre d’une profonde métamorphose touchant à la fois l’âme et l’esprit. Les ainés parmi ces initiés dirent à leurs disciples : Voici venir le temps où
désormais il ne faudra plus chercher le rapport entre les constellations et les flots de la lumière lunaire. A l’avenir, l’univers parlera autrement aux hommes sur terre. Il faut que la lumière du soleil soit observée directement. Nous devons détourner le regard de la connaissance spirituelle des manifestations de la Lune, et le tourner vers les manifestations du Soleil.
Ce qui fut a cette époque enseigné d’abord dans les centres de Mystères fit une impression profonde sur les hommes qui étaient encore des initiés de l’ancien temps à l’époque où s’accomplit le Mystère du Golgotha. Et c’est à ce point de vue qu’ils se placèrent pour juger de ce
Mystère. Ils se dirent : Il faut que dans le devenir de la Terre intervienne quelque chose qui puisse provoquer le passage de I’élément lunaire a l’élément solaire. — Et ainsi se révéla à eux le sens cosmique de la naissance de Jésus.
Cette naissance, ils la regardèrent comme un fait qui, émanant de la Terre, apportait aux hommes une impulsion nouvelle : faire désormais du Soleil lui-même — et non plus de la Lune — le régent universel des phénomènes célestes. Mais l’événement, se dirent-ils, doit être d’une nature particulière. Et cette nature particulière se révéla a eux à travers le fait suivant : ils commencèrent à comprendre le sens profond de ce qui se produit sur terre dans le dernier tiers du mois de décembre. Ils commencèrent à comprendre le sens de ce qui se passait au moment que nous appelons maintenant le temps de Noël. Ils se dirent : Tout doit être rapporté au Soleil.
Mais le Soleil ne peut exercer sa puissance sur terre que lorsque celle-ci a exhalé ses forces. Au moment de Noël, elle les a inspirées, elle retient son souffle. Lorsque Jésus vient au monde, c’est en un temps où la Terre en quelque sorte ne parle pas avec les cieux, où elle est avec tout son
être retirée en elle-même. Jésus nait en un temps où la Terre roule solitaire à travers espace cosmique, sans y envoyer sa respiration de telle sorte qu’alors la force du Soleil, la lumière du Soleil la pénétreraient de leurs ondes.

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Oui, nous devons même poursuivre ce chemin : nous devons faire entrer dans l’humaine nature ce qui autrefois était à l’extérieur. L’homme n’est plus aujourd’hui dans la situation où il suffit de développer en automne la connaissance de la nature, etc. Il est maintenant dans la situation où tout vient se centrer en lui-même, car c’est seulement ainsi qu’il peut déployer sa liberté. Mais il reste exact que la célébration des fêtes redevient nécessaire sous une forme métamorphosée. Si les fêtes d’autrefois étaient des dons divins faits aux êtres terrestres, si l’homme d’autrefois recevait directement lors des fêtes les dons des puissances divines, aujourd’hui, où l’homme a intériorisé ces facultés, la métamorphose des fêtes consiste en ce qu’elles sont des fêtes du souvenir. Si bien que l’homme inscrit dans son âme ce qu’il doit accomplir en lui-même.
(…)
Ce caractère de commémoration, une parole immense l’a déjà annoncé, une parole qui attire l’attention sur les fêtes d’autrefois, fête des dons, qui dans l’avenir deviendront ou devront devenir fêtes du souvenir. Cette paroles monumentale qui doit être le fondement de toutes les fêtes, et donc aussi de celles qui doivent naître, c’est : « Faites ceci en mémoire de moi ». Elle oriente la pensée des fêtes vers le pôle du souvenir.

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