L’espace s’est ouvert et le blanc est entré

A l’âge de 30 ans, j’ai commencé une analyse jungienne, et j’ai plongé dans le monde des rêves.
Un monde si proche et tout en même temps, tellement imprévisible et étranger. Quoi de plus étonnant, inattendu, détonant, que le fait de rêver? Tellement en rupture avec notre quotidien…
Ce monde des rêves nous offre en tout cas une aventure, chaque nuit renouvelée, dont cette partie de nous que nous ne connaissons pas, aveugles de naissance que nous sommes, est l’héroïne.

Fin mars 2024, temple bouddhiste tibétain de Lerab Ling – Roqueredonde – France.
Tout est rêve. Quel est ce monde ? D’où vient ce qui a conscience en moi ? Etait-ce là avant moi ? Cela me survivra-t-il ? Et d’ailleurs, qui est « moi », si je retire ce qui me définit, travail, apparence, interactions… ?
Dans ce contexte suspendu, je note mes rêves.

Valbonne, jeudi 18 avril 2024.
De temps en temps, je prends une séance avec une psychanalyste jungienne, une femme merveilleuse, en tout cas, une femme qui me correspond, merci Christine.
Hier après-midi, nous avions une séance programmée, après deux mois d’interruption.
En début d’après-midi, un bel orage interrompit le beau et le chaud, saupoudrant tous les sommets alentours, de blanc. C’est tellement rare, surtout en avril.
Je suis le lien zoom envoyé par MD et me connecte à mes rêves que j’ai relus juste avant. Nous parlons.
Je lis un premier rêve, puis je raconte l’oiseau contre le mur de la cabane en bois à Lerab Ling, et son envol, ce passage qui semble ne par appartenir à notre réalité, bien que vécu en son sein. Cet être de l’air qui se heurte à la matière, à la densité, alors que tout alentours n’est que lumière.
C’est alors que le ciel se déchire, comme si les mondes, l’espace d’un instant, se mélangeaient, nous laissant sans dessus dessous.
Le ciel crache des millions de billes de glace, sur la terrasse, sur le toit de la véranda, qui devient assourdissant, sur Maya, qui rentrera en trombe en fin de séance, à l’abri.
Le temps s’arrête, l’espace s’ouvre, le flux continu de mes pensées suspend son cours, nos échanges s’interrompent.
Tout est blanc, glacé, translucide. Le froid est palpable, le silence profond, ma gratitude infinie pour ce moment suspendu et précieux.
Je reconnais ce blanc, qui avait arrêté la vie autour de moi il y a une douzaine d’années, paralysant la côté d’azur pendant plusieurs jours, alors que mon marchant de pommes prenait la route du retour et que mes enfants ne pouvaient pas rentrer du ski.
Je reconnais ce blanc qui peuple mes rêves. Je reconnais ce blanc qui appartient aux noms que je reçois. Je reconnais le voile de la femme blanche. Je reconnais ce blanc souverain.
Et je remercie.
Un dernier rêve , comme une injonction, « tu dois créer ton école ».
Fin de la séance.
La frontière entre réalité et rêve se forme à nouveau, la dualité reprend sa place habituelle, le monde se referme.
Prisme arc en ciel sur un morceau de glace qui bientôt sera à nouveau eau.