Il était une fois, dans la ville de Foix, une marchande de foie…

Deharadun novembre 2019, une femme sans âge, aux yeux pétillants, tibétaine, médecin, me reçoit en consultation. Elle prend mon pouls. Diagnostic immédiat. Le foie et la rate, encombrés, à nettoyer. Elle me demande si je bois, non. Si je mange gras, pas particulièrement. Mon seul excès, le chocolat. Excessivement.
Et pour la petite histoire, elle me prescrit d’incroyable pilules faites à base de plante, à Dharamsala, sous l’égide et la bénédiction du Dalaï lama. Tellement mauvaises au goût ! A prendre plusieurs fois par jour… Inimaginable tant que pas ingéré !
Jamais on ne m’avait parlé de mon foie. L’organe de la colère.
Je m’interroge. Je ne mets pas en colère. Elle a dû se tromper….
Bien sûr, cela chemine. Moi, je ne me mettrais pas suffisamment en colère ? Ou plutôt, je ne parviendrais pas à lâcher-prise sur des sujets qui me minent de l’intérieur, et sur lesquels je ne peux rien. Noyée dans l’incompréhension du fonctionnement du monde et de ses habitants. Comment vivre sur une planète où des enfants meurent de faim alors que d’autres se repaissent de superflu ?

Valbonne, 24 février 2024. Pleine lune. Travail sur l’organe du foie en qi gong hier. J’appuie à nouveau sur ces points douloureux autour des yeux. Et je peux sentir toute cette colère refoulée, elle remonte, elle est là, et peut enfin s’écouler doucement. Elle se transforme rapidement en tristesse.
Tristesse de ce qui aurait pu être, qui n’a pas été., qui ne sera jamais. Le laisser partir, simplement. Le lâcher.
Je vois tout ce gâchis, tout ce gâchis de vie, toute cette beauté, tout ce potentiel, piétinés, saccagés… Cette nature merveilleuse, tellement précieuse, les animaux, les arbres, les fleurs, la beauté inimaginable d’une simple feuille.
Comment ne pas en prendre soin ?
Comment ne pas en prendre soin ?
Et cela crie, cela hurle à l’intérieur de moi.
Un animal, comment lui faire du mal ? Comment est-ce possible ? Que ce soit l’éléphant majestueux et sacré ou l’araignée.
Et comment aller jusqu’aux enfants, aux femmes, à chaque être humaine… C’est trop.
Les mots sont à leur limite.
Hurler d’incompréhension et enfin laisser la tristesse s’écouler.
Laisser s’écouler et lâcher.
Libérer mon foie.

Libérer mon foie, garder la foi.
Phrases toutes faîtes ! La foi, je l’ai vue dans les yeux bleus et le regard lumineux de ma mère. Ce ‘n’est pas son foie qui était en souffrance mais ses reins. Son coeur et ses reins.
La foi, je ne me la suis jamais vraiment autorisée. Alors je risque pas de la garder. Je découvre aujourd’hui que cela peut être un chemin. Cela ne relève pas que de l’innée.
La foi peut s’acquérir. Et ça, aujourd’hui, j’y crois. Et je chemine vers. C’est certainement un chemin de vie.
Vivre avec la foi.
Le colibri.
Aller encore et encore nettoyer, accompagner, chacune et chacun sur son chemin d’humanité.

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