Du corps à l’éther

Réveil sous la blanche lumière de la lune, à ce moment où les rayons du soleil naissant sont encore suffisamment timides pour nous permettre de profiter pleinement des deux énergies, lunaire et solaire.
Les oiseaux et leur chant presque printanier s’invitent eux aussi dans ma mezzanine.
Posée là, un thé chaud à mes côtés, je me relie à ce grand besoin de nettoyage intérieur que je traverse en ce moment. Cela passe par mes yeux. Comme si mon regard ne pouvait plus être le même. Comme une plume dans mon oeil droit. Je vois le monde, et tout en même temps, je vois en premier plan ma cornée et ses impuretés, invisible, puisque propre, habituellement.
Et tout en même temps, paradoxalement, ma densité disparaît et se remplit du chant des oiseaux, des feuilles des arbres, du bleu du ciel…
Il ne reste que les contours de mon corps, aussi fragiles et fins, discrets, qu’une feuille de papier d’Arménie.
Quelle douce sensation que celle de s’effacer pour n’être qu’un chant d’oiseau, un souffle…

Coeur de femmes

Cette intuition, devenue évidence, créer un espace-temps pour les femmes. Non pas un cercle de femmes, non pas des rencontres de pleines lunes, non pas des soirées tricot… non pas… mais en fait, si, tout cela en même temps, et plus encore.

Je lance la lune blanche, cercle sacré, depuis Gwendolyn, ce prénom qui m’accompagne, si celte, si blanc.
Et dans ce cercle, des femmes avancées sur le chemin, des sages, et aussi, des femmes qui recherchent la transmission des abuelitas…
Un dissonance… je change la date, cela ne suffit pas… j’en parle avec différentes amies… je ressors le livre de la danse des grand-mères… je sens que la clé est là.
Autre chose est en train d’émerger… un coeur, un noyau, un centre, composé de femmes mûres, chacune avec son chemin de vie, ses cicatrices, ses potions magiques et ses pouvoirs secrets, chacune avec sa médecine, faite de ses blessures soigneusement cautérisées et transformées en force nouvelle…
Il est temps de nous regrouper et de former un noyau central pour essaimer plus grand et plus fort, plus juste, pour être ensemble et pour plus largement rayonner…
Regroupons-nous, rencontrons-nous, enrichissons-nous mutuellement, co-créons, co-construisons, co-animons… et transmettons, que nos cercles concentriques, co-spiralés, s’agrandissent, et essaiment de femme en femme.

Pour une femme, obtenir la connaissance souhaitée, la mettre en oeuvre et le montrer, se révèle parfois dans cette période de changements majeurs un acte de défiance, mais surtout, c’est un acte de bravoure, c’est à dire un acte de création primordiale en dépit de l’incertitude et de l’absence de sécurité, un acte qui rassemble la vie de l’âme et la miséricorde, un acte d’amour.
Le fait qu’au cours du processus d’acquisition de la sagesse, une femme soit constamment en train de ré-enraciner dans la vie de son âme constitue un acte suprême de libération.
Apprendre aux jeunes à faire de même – et par « jeunes » il faut entendre toutes les personnes qui en savent moins et sont moins expérimentées qu’elle – est l’acte le plus radical, le plus révolutionnaire. Pareil enseignement a une grande portée, il fait don de la vraie vie au lieu de rompre la ligne matrilinéaire de la femme sauvage et sage, l’âme sauvage et sage.
Clarissa Pinkola Estès – La danse des grand-mères

Alors voilà, ma proposition est une douce intrication féminine, faite d’un noyau qui co-construit et co-anime, se mêlant à un cercle, plus large, fait des grand-mères et des plus jeunes, toutes dansant et chantant, filant et transformant, en même temps…
Nous pouvons animer à 2 ou à 3, puis passer le relais, au gré des thèmes, des outils, des saisons… Toutes sont les bienvenues à tout moment à la large lune blanche des femmes…

Les abuelitas : les petites grand-mères.
La vieille femme mythique.
En quoi est-elle dangereuse ?
En quoi est-elle sage ?
On la découpe. Elle repousse.
Elle meurt. Elle repousse.
Elle enseigne aux jeunes à faire comme elle.
Ajoutez l’audace.
Ajoutez la danse.

La danse des grand-mères – Clarissa Pinkola Estès

Les abuelitas : les petites grand-mères.
La vieille femme mythique.
En quoi est-elle dangereuse ?
En quoi est-elle sage ?
On la découpe. Elle repousse.
Elle meurt. Elle repousse.
Elle enseigne aux jeunes à faire comme elle.
Ajoutez l’audace.
Ajoutez la danse.

Intuitivement, dans sa psyché, une femme comprend qu’être en bonne santé, c’est avoir une santé « florissante ». Lorsqu’elle est blessée, il y a dans son esprit et dans son âme un filament vibrant et vivifiant qui, envers et contre tout, pousse en direction de la vie nouvelle – soit vers de nouvelles forces de toute sorte, soit vers la reconstitution de l’intégrité perdue, ou la constitution d’une intégrité inconnue jusqu’alors. Cette force intérieure est mue par le désir de bien-être. Elle croit à un élément salvateur capable de lutter contre le mal. (…)
Même lorsque l’action du moi est momentanément contrariée, la femme cachée sous la terre, la gardienne du feu, maintient une attitude envers la vie – un surcroît de vie – qui pousse sans cesse vers le haut et réclame plus de vitalité et d’épanouissement, plus d’égards et d’affirmation de soi… et un peu plus encore, et encore, jusqu’à ce que l’arbre de vie ait atteint au-dessus du sol la taille de son vaste réseau de racines souterraines.
(…)

Pour expliquer la force vitale d’une femme, la poésie est nécessaire; tout comme sont nécessaires la danse, la peinture, la sculpture, le tissage, la poterie, le théâtre, la parure, l’invention, l’écriture passionnée, l’étude des livres et de ses propres rêves, les échanges verbaux avec des personnes sages, un perception, une pensée, des sensations attentives… des réalisations et des apports en tous genres… car les mots ordinaires ne suffisent pas à exprimer certains éléments mystiques, mais les sciences, la contemplation de ce qui est invisible mais palpable, et les arts y parviennent.
Pourtant, dans les orages comme dans les moments de satisfaction, la femme cachée continue à veiller sur la magnifique force vitale et elle se démène pour faire savoir qu’au moment même où nous sommes détruites, la reconstruction a commencé. Ainsi, cette force intérieure agit comme une grand-mère, la plus grande des grand-mères, l’essence de la santé et de la sagesse de l’âme qui nous guide et ne nous quittera jamais.
Nous faisons l’expérience de cette source mystérieuse par l’intermédiaire des connaissances précises et précieuses, d’une origine indiscernable, qui se présentent inopinément dans les rêves nocturnes clairs ou complexes, dans l’irruption d’idées et d’énergies apparemment surgies de nulle part, dans la certitude soudaine que notre affection, notre opinion, ou notre contact physique est réclamé quelque part, dans la détermination imprévue d’intervenir, ou de nous détourner, ou d’aller vers. Comme la vieille femme sage qui apparaît dans les contes, la source protectrice de l’étincelle d’or, se manifeste par l’intermédiaire d’exhortations intérieures à agir dans la discrétion ou au contraire de manière éclatante, d’une impulsion judicieuse à créer de nouveau, à chérir plus fort, à réparer plus complètement, à répandre plus largement, à protéger une vie nouvelle.
(…)

Quels que soient notre âge, notre condition physique, notre situation, l’esprit de la grand-mère entend nous apprendre que notre intelligence est à l’oeuvre lorsqu’il s’agit de s’efforcer d’acquérir de la sagesse et de créer une vie nouvelle. (…)

Les instruments magiques utilisés par la grand-mère archétypale pour la transformation sont restés les mêmes depuis des millénaires. La table de cuisine. La lumière de la lampe. L’unique bougie. La chanson. Le rituel. La perspicacité. L’intuition. La soupe. Le thé. L’histoire. La conversation. La longue route. Le confessionnel. La main affectueuse. Le sourire séducteur. La sensualité affûtée. Un sens de l’humour sarcastique. La capacité de lire dans les âmes. Le mot gentil. Le proverbe. Le coeurà l’écoute. La capacité d’offrir à d’autres, quand il le faut, l’expérience déchirante d’un certain regard.
Pour une femme, obtenir la connaissance souhaitée, la mettre en oeuvre et le montrer, se révèle parfois dans cette période de changements majeurs un acte de défiance, mais surtout, c’est un acte de bravoure, c’est à dire un acte de création primordiale en dépit de l’incertitude et de l’absence de sécurité, un acte qui rassemble la vie de l’âme et la miséricorde, un acte d’amour.
Le fait qu’au cours du processus d’acquisition de la sagesse, une femme soit constamment en train de ré-enraciner dans la vie de son âme constitue un acte suprême de libération.
Apprendre aux jeunes à faire de même – et par « jeunes » il faut entendre toutes les personnes qui en savent moins et sont moins expérimentées qu’elle – est l’acte le plus radical, le plus révolutionnaire. Pareil enseignement a une grande portée, il fait don de la vraie vie au lieu de rompre la ligne matrilinéaire de la femme sauvage et sage, l’âme sauvage et sage.
(…)

Malgré nos attachements actuels,
malgré nos maux, nos souffrances, nos chocs,
nos pertes, nos gains, nos joies,
le site vers lequel nous nous dirigeons est
cette terre de la psyché que les aïeux habitent,
ce lieu où les humains restent tout à la fois divins et dangereux,
où les animaux dansent encore,
où ce qui a été coupé repousse,
et où ce sont les rameaux
des arbres les plus vieux
qui fleurissent le plus longtemps.
La femme cachée
qui entretient l’étincelle d’or
connaît cet endroit.
Elle sait.
Et toi aussi.

Femmes je nous aime

Cela hurle à l’intérieur de moi. Je reconnais ce cri. Il a la couleur de la révolte, de l’insurrection, tout est dressé et prêt à partir à l’assaut.
J’en veux à l’humanité entière de sa lâcheté et de sa mauvaise foi.
Je reconnais ce cri et je me pose tranquillement avec lui, cela s’effrite et laisse place à une tristesse, qui aurait même des teintes de désespoir. « A quoi bon »
Accueillir, accueillir, accueillir. 
Cela se transforme encore.
J’ouvre la fenêtre, il fait nuit et déjà les oiseaux chantent. Nous sommes en hiver et déjà les oiseaux chantent. 


Une groupe de femmes qui cheminerait ensemble, un groupe d’hommes qui cheminerait ensemble, puis un groupe de femmes et d’hommes ? 

Et tout en même temps, toutes ces résistances au changement sincère et profond. 

Avec humilité, voir et accueillir l’autre telle qu’elle est, tel qu’il est, telle que je suis, accepter que ce n’est pas le bon moment pour elle, pour lui, pour moi, et que ce ne sera peut-être jamais le bon moment.

Je reviens aux femmes.
Le jour est là, accompagné par le cri du corbeau. 

La femme blessée par sa mère, puis par les femmes, « je suis mieux avec les hommes, ils sont plus francs du collier. Les femmes, elles parlent derrière ton dos, ce sont des langues de vipère .», « elles sont superficielles », « elles parlent pour ne rien dire », « ce sont des salopes, elles te piquent ton mari ».
Les egos non apprivoisés « je connais déjà tout cela par coeur » ou « ce n’est pas comme cela qu’il faut faire. »
Les femmes pendule, déçues à tour de rôle par les hommes et par les femmes, qui cherchent tantôt la présence des hommes, tantôt celle des femmes.
 Et puis, il y a bien sûr la femme qui ne franchit pas le cap d’aller vraiment voir à l’intérieur et qui fait le tour de sa fleur, passant de pétale en pétale, sans jamais regarder vraiment les schémas répétitifs qui se jouent, cachée derrière l’illusion du changement de pétale, sans jamais aller au coeur.
Toutes installées dans le petit royaume que nous nous sommes construit, à notre mesure, brique par brique, pour que ça fasse le moins mal possible…
Tout se ramollit… de tendresse.

Et mon coeur s’ouvre de ces femmes blessées… des femmes blessées que nous sommes toutes.
Abusées, méprisées, dévalorisées, enchaînées, cassées, surmenées, bafouées dans leur sensibilité et leur savoir, empêchées dans leur intuition, brisées dans leurs savoirs ancestraux, brûlées vives..

Je suis chacune d’entre elles.
Tiens, ça ne crie plus à l’intérieur. 

Reconnaître chacune de ces parts blessées et l’aimer, ensemble. Parce qu’ensemble, on est plus fortes, parce qu’ensemble on va pouvoir rencontrer et affronter le démon, rencontrer celle (qui correspond à une part blessée) qui vient nous hérisser les poils, et enfin, apprendre à l’aimer, aller déterrer celle qu’on ne soupçonne même pas pouvoir exister, enfouie sous des générations d’armures et de blessures et enfin l’entendre et la reconnaître… 

Se découvrir, se mettre à nu,
se découvrir, se rencontrer soi-même.
Découvrir l’autre, l’accueillir pleinement et l’aimer. 

Se découvrir, s’accueillir inconditionnellement et s’aimer.